Anime Architecture: splendeur des décors de l'animation japonaise.
Et Ozzy Osbourne en cure de détox à Gotham CIty.
UN (TRÈS) BEAU LIVRE
Anime architecture, de Stefan Riekeles se propose d’étudier, de faire voir surtout, la manière dont le cinéma d’animation japonais imaginait les villes du futur, à travers 6 films emblématiques : Akira (1988), Patlabor (1989), Ghost in the Shell 1et 2 (1995, 2004), Metropolis (2001), Amer Beton (2006) et la série télévisée Neon Genesis Evangelion (2007). Réalisé en collaboration directe avec les studios de production, l’album présente les décors créés par les cinéastes et illustrateurs japonais parmi les plus célèbres de l’industrie de l’animation, ceci sur 256 pages et pas moins de 368 illustrations, noir et blanc ou couleur (surtout), et parfois en pleine page, « dessinés à la main » comme le précise le maître d’œuvre, « peintes avec des pigments humides, dessinées au crayon ou à l’encre ou photographiées sur pellicule ». Ce qui humanise les architectures présentées, cataclysmiques pour l’Akira d’Otomo, resserrées sur un ciel absent dans Ghost in the Shell, ou au contraire extrêmement colorées s’il s’agit du Metropolis de Rintaro. Un des intérêts de ce magnifique album, outre le simple plaisir des yeux, et de constater de quelle manière les artistes des années 90 ou 2000 ont imaginé des mégapoles pour eux futuristes, par rapport à ce qu’elles sont en réalité devenues 20 ou 30 ans plus tard. Il aura fallu 10 ans à Stefan Riekeles pour rassembler, souvent dans des collections privées, ces images rares qui, souvent, aurait pu être jetées après utilisation, comme il en est de certains décors. Passionnant ! (Mana Books).
DU CÔTÉ DES BD
Alix is Alive and Well !
Faire un retour à Alix, ce héros juvénile créé voici plus de 70 ans par Jacques Martin n’est jamais à négliger, surtout que, contrairement à beaucoup d’autres personnages inamovibles, celui-ci, aux mains de nouveaux scénaristes et dessinateurs, a vieilli depuis le décès de son créateur. Ce qui est le cas avec la série Alix Senator où, désormais quinquagénaire et devenu sénateur romain, il n’en poursuit pas moins ses aventures à travers le monde antique, toujours accompagné par son fidèle Enak, qui a pris de l’âge lui aussi. Avec Le Disque d’Osiris (Valérie Mangin et Thierry Démarez) nous sommes en l’an 11 av. J-C, où Alix doit remonter le Nil jusqu’à sa source, espérant y trouver la porte de l’Atlantide engloutie. Et aussi le corps du dieu Osiris, dont il ne reste que des os de géant. Mais ces os sont-bien ceux d’un être humain ? Entre désert, rapides fluviaux, cité abandonnées et tribus sauvages, un vrai film à l’ancienne signé Cecil B. DeMille que le dessin fouillé de Démarez rend magnifiquement présent (Casterman).
HUMOUR, QUAND TU NOUS TIENS
Que révèlent en fait les contes de fée ? C’est ce que révèle le délicieux autant qu’iconoclaste Et à la fin ils meurent, sous-titré « La sale vérité sur les contes de fée », signé Lou Lubie (serait-ce un pseudo, par hasard ?) qui, en un épais livre de 250 pages à la couverture cartonnée à l’ancienne, nous en raconte de belles et de pires sur les contes que nos arrière grands-mères racontaient à nos grands-parents. Non pas sous la forme de savantes théorie à la Bettelheim (par ailleurs cité avec un rien de moquerie), mais comme une longue flânerie illustrée par de délicats et naïfs petits dessins colorés en violet et orange qui suivent diverses personnages, en vedettes Cendrillon (qui, si elle avait de si petits pieds que ça, souffrirait le martyre), Blanche-Neige (réveillée, ô scandale, par un baiser donné sans son consentement) et le Petit Chaperon rouge (est-elle mangée par le loup, ou n’est-ce qu’une façon détournée de laisser supposer qu’elle a couché avec lui ?). On le savait bien, mais on en a la preuve ici, avec Perrault, les frères Grimm (qui l’ont abondamment pillé) et le moins connu Giambattista Basile, les contes de fée, pourvu qu’on les lise entre les lignes, sont bien plus cruels qu’on pense – aucun ne se termine par le fameux mais apocryphe « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants » – le sexe y étant presque toujours présent (La Vieille écorchée de Basile), et même le racisme et l’antisémitisme, qu’on trouve dans deux contes des frères Grimm, La Mariée blanche et la mariée noire et Le Juif dans les épines. Sûr qu’après cette lecture, on y réfléchira à deux fois avant de lire un conte à nos enfants. Mais au moins, on se sera bien amusé ! (Delcourt).
Énergies noires, de l’Anglais Jesse Jacobs, est un curieux album de 116 pages comprenant deux histoires distinctes, l’une en noir et blanc, Entre mes murs, l’autre avec un ajout verts cru, Parmi les bêtes. La première est la plus intéressante, qui voit un couple, guidé » par une agente immobilière, visiter une maison des plus curieuse, qui se déforme à mesure qu’ils passent de pièce en pièce, marchant au plafond, grandissant, rapetissant, jusqu’au moment où ils se retrouvent réduits à un peu de poussière sur la moquette. Alors un second couple peut apparaître. C’est qu’en réalité la maison est vivante et refuse d’être habitée : « La vie sera très dure pour tous ceux qui tenteront de m’occuper… les intrus seront affectés d’atroces maladie de mon invention… je contaminerait leurs fluides vitaux, j’éliminerai le calcium de leurs os… » Au trait stylisé sur fond noir, le style ferait merveille en animation, que cette histoire semble appeler. Le second récit, plus elliptique, voit des créatures elles aussi métamorphiques confronté à un bébé humain brusquement apparu et dont elles ne savent que faire. Là encore, on rêve d’un film d’animation du genre de ceux de Borowczyk (Tanibis).
COMICS EN VRAC
Comme nos lecteurs l’ont déjà appris au fil de nos éditions numériques ou papier, DC Comics a lancé la publication de 7 courts albums sous le titre générique de Batman Death Metal, chacun étant dédié et présenté par un groupe de Death Metal. Nous en arrivons à la fin de cette aventure graphique peu commune, avec les Numéros 6 et 7, alimentés par les groupes Dream Theater et Ozzy Ozbourne, dont les pages déchaînées des albums peuvent donner une petite idée de leur musique. Rappelons le thème général : le super Méchant Batman qui Rit venu du Dark Multiverse arrive sur Terre pour se heurter au vrai Batman, qu’accompagnent comme de coutume Superman, qui a ici un bras d’acier et une chevelure de hippy, et un double de Wonder Woman maniant une tronçonneuse au lieu d’une épée. Un scénario plein de surprise de Scott Snyder (il faut voir le Bat assailli par une nuée de petits Robin monstrueux), un dessin d’un dynamisme vertigineux de Greg Capulo, il n’en fallait pas moins pour orchestrer cet étonnant baisser de rideau (Urban Comics).
Puisqu’il est question ci-dessus de Batman, refaisons quelques pas en sa compagnie dans le collectif Batman The Word, copieux album de 192 pages, qui a la particularité de compter 14 aventures courtes venues de 14 pays différents. S’il s’ouvre classiquement aux USA avec Ville globale (scénario Brian Azzarello, dessin de Lee Bermero) où, en quelques grandes planches aussi sombres que splendides, on voit le chevalier méditer sur tous les ennemis qu’il a rencontrés, du Pingouin à Bane, la suite est beaucoup plus originale et diversifiée. Ainsi de Paris (Mathieu Gabella & Thierry Martin), français comme on s’en doute, et se déroulant dans le musée du Louvres où le Bat ne poursuit Catwoman que pour pouvoir enfin l’embrasser. Romantisme, quand tu nous tiens ! Mais tout n’est pas aussi rose avec l’apparition du Joker dans la participation allemande (Des lendemains qui chantent), ou celle, japonaise traitée selon l’optique manga. Mais on peut aussi préférer l’espagnol Fermé pour les vacances (Paco Roca) où notre héros a décidé de se reposer, mange, boit et prend du ventre. Pour tous les goûts ! (Urban Comics).
COMME AU CINÉMA
Comment survivre dans un film d’horreur ?, de Seth Grahm-Smith, apporte les solutions à la question posée, à condition de suivre à la lettre près tout ce qu’on vous y indique, en sachant que vous être réellement dans un film d’horreur, pas seulement assis confortablement dans un fauteuil de cinéma. Que faire alors ? Par exemple n’entrer sous aucun prétexte dans un de ces lieux : une maison isolée ou en ruine, un camp de vacances, une pièce non éclairée, une cave, etc. Se méfier de compagnons du genre p’tit gros sympa, la gothique un peu pétasse, la fille pure du policier, le mec noir qui y passe dans les 20 premières minutes. Ne jamais, jamais répondre au téléphone. Et, si vous êtes une fille, n’accepter en aucune façon un emploi de baby sitter. Ce qui sont déjà des bons atouts pour Survivre aux grandes vacances, Rester éveillé une semaine, Que faire quand un véhicule maléfique veut votre mort, Comment battre une poupée tueuse, et autres situations précisées dans autant de chapitres nécessaires. Paru aux États-Unis en 2007 et qui s’ouvre sur une préface de Wes Craven, qui avoue « avoir pris plaisir à rêver toutes les façons de les (ses personnages) tuer, de les éventrer, de les décapiter, de les écraser sous les portes de garages… », voilà un livre illustré de nombreux dessins très plaisant à lire. Et instructif, cela va sans dire (Ynnis).
LISONS UN PEU !
American War, signé Omar El Akkad, se déroule en 2074, où une nouvelle guerre de Sécessioin éclate entre le Nord et le Sud des États-Unis sur fond, cette fois, de contrôle des énergie fossiles. Lorsque son père est tuée, la jeune Sarat Chestnut, six ans et sa famille doivent fuir dans un camp de réfugiés en zone neutre. Mais était-ce la bonne solution ? Au fil des épreuves et des injustices, Sarat, grandissant, va se transformer en une héroïne insaisissable. Bientôt, sous l’influence d’un homme qui la prend sous son aile, elle se transformera en une impitoyable machine de guerre apte à changer la face du conflit. Né en Égypte, mais vivant aujourd’hui aux États-Unis, l’auteur, grand reporter, trace avec ce premier roman un portrait impitoyable de son pays, dans une politique-fiction hélas crédible. Publié une première fois en 2017, ce roman reparaît aujourd’hui chez J’ai Lu. À ne pas manquer !
Très différent est La Cité des brumes oubliées, du Japonais Sachiko Kashiwaba où une jeune fille, Lina, se perd dans un épais brouillard. Lorsque la brume se dissipe, elle constate qu’elle se trouve dans un village inconnu, peuplé de personnages étranges. Elle doit trouver refuge chez une bizarre mégère à grosse tête où elle doit se livrer à des travaux extravagants pour regagner sa liberté. On doit à l’auteure (1916 – 2014) plus de 70 romans, dont celui-ci est le premier traduit chez nous. En aura-t-on reconnu le thème ? Pardi, il s’agit du récit adapté par Hayao Miazaki pour son film Le Voyage de Chihiro… (Ynnis).
N’oublions pas enfin le trimestriel Gandahar, au titre judicieusement choisi, créé en 2014 par notre collaborateur Jean-Pierre Fontana (à qui l’on doit la majeure partie des études sur le cinéma italien à trouver dans notre magnifique Vintage de ce mois), et qui est vaillamment arrivé à son n° 29. Repris essentiellement en main par Christine Brignon, ce numéro, second du genre consacré à la thématique de la Métamorphose, réunit en 150 pages dix nouvelles, pour la plupart de jeunes auteurs et autrices, sous une très belle couverture (elles le sont toutes !) due à Séverine Pineaux. Pour s’abonner, car la revue n’est pas toujours facile à se procurer en librairie) :
http://www.gandahard.net
, ou assoganda.chris@gmail.com.
N’abandonnons pas notre ami Fontana qui, sous l’égide des éditions Gandahar, vient de publier L’Incroyable aventure du père Mathurin, un conte fantastique situé en Bretagne non loin de la forêt de Brocéliande, et qui lui a été inspiré par les peintures et sculptures de Michaël Thomazo, certaines reproduites dans l’ouvrage Tout le talent de l’auteur dans cette histoire en demi-teinte, située à la fin du XIXe siècle, et qui ressuscite Merlin dans les catacombes d’un petit village (même référence).
Jean-Pierre Andrevon